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Élections présidentielles au suffrage universel direct comme seul moment démocratique ?

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

« Le peuple constitue le fondement de la légitimité du pouvoir et doit être appréhendé comme un acteur politique de premier plan » : par ces mots Olivier Beaud dans la théorie de la fédération explique que le peuple doit avoir une place prépondérante dans l’exercice du pouvoir de par le fait que la légitimité de son existence repose sur celui-ci.

L’élection du Président de la République a été instituée par la constitution du 27 octobre 1958 sous l’impulsion du général de Gaulle. Elle est régie par les articles 6 et 7 de la Constitution. En effet, Par l’instauration de cette élection, De Gaulle souhaitait mettre un terme au régime d’assemblée, principale source des maux des IIIe et IVe Républiques. Ainsi, la volonté du général était de faire du Président de la République un chef au-dessus des partis politiques ayant pour charge de préserver la stabilité de la Ve République, nouveau régime succédant aux précédentes Républiques. Par ailleurs, le fondement de la stabilité de notre régime est le système politique sur lequel il repose. En clair la démocratie permet de préserver la stabilité de la Ve République et cela par le fait que le peuple est le détenteur du pouvoir. Toutefois, le pouvoir peut être exercé de deux manières : directement, on caractérise alors ce type de démocratie de direct ou indirectement par l’intermédiaire de représentants, ce que l’on qualifie de démocratie indirecte.

En ce sens il convient alors d’étudier les rapports qu’entretient la source du pouvoir, en d’autres termes le peuple  et l’exercice qu’il en est fait par leurs représentants  dans notre démocratie représentative. En effet nous entrons progressivement dans une sorte de crise démocratique dans laquelle les élites se méfient du peuple et le peuple se détourne de plus en plus des urnes.   

Face à ce constat inquiétant quant à l’avenir de notre démocratie, il convient de se demander s’il faut  que l’élection présidentielle au suffrage universel direct soit le seul moment démocratique de la Ve République.  

En définitive, il convient désormais d’étudier pourquoi l’élection présidentielle au suffrage universel direct ne doit pas être le seul moment démocratique de la Ve République en justifiant la thèse par des arguments de texte (I) de nature (II) et d’opportunité (III).

 

1. LES ARGUMENTS DE TEXTE

La déliquescence  de notre système démocratique découlant de la méfiance réciproque entre le peuple et ses représentants ne peut être résolu que par la simple élection du Président de la République au suffrage universel direct. En effet, il est nécessaire de trouver des solutions pour reconnecter et réconcilier le peuple avec ses représentants. Pour se faire il faut  instaurer davantage de démocratie direct par le biais de mécanismes de démocratie participative et délibérative ou en utilisant véritablement ceux inscrits dans la constitution.

En effet, on constate que théoriquement lorsque l’on se réfère à l’article 89 de la constitution, le principe de révision est le référendum soumis au peuple. Or sur les 24 dernières révisions constitutionnelles survenus depuis 1958 seulement 2 ont été soumises au choix des français. Par conséquent pour pallier le désintérêt croissant du peuple envers la politique il est nécessaire de le faire participer en utilisant les mécanismes de démocratie directe déjà présent au sein de la constitution.

Pour revitaliser notre démocratie  il faut mettre en pratique l’article 3 de la Constitution de la Ve République qui souligne que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Par conséquent d’après la constitution les citoyens doivent être des acteurs démocratiques de premier plan  puisqu’ils sont les principaux propriétaires du pouvoir et leur représentant ne peuvent avoir de légitimité dans l’approbation du peuple. Ainsi, il est rappelé que le référendum est un instrument qui permet au peuple d’exercer sa souveraineté, il est donc impératif de redonner au peuple les moyens de s’exprimer pour prendre part au débat démocratique et avoir un rôle concret dans l’élaboration de la loi.

De plus, l’article de 2 de la Constitution accentue l’intérêt qui doit être apporté au peuple en précisant que le principe de la République est le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple. Cet article se fondant sur le définition de Abraham Lincoln  tend à faire participer directement le peuple dans l’exercice du pouvoir et dans le processus législatif. Cependant on constate qu’en pratique cela n’est pas ou peu mis en œuvre.

Toutefois on constate que le référendum prévu par l’article 11 de la constitution n’est plus utilisé amputant ainsi les citoyens de l’un de leur principaux moyen d’expression et d’action au sein de notre démocratie. Effectivement, les Français sont trop peu sollicité le dernier référendum datant de 2005 soit il y a 17 ans.

Néanmoins, on remarque que le pouvoir politique dois être pragmatique et réaliste dans la considération de ces éléments de démocratie direct. En effet lors de la révision constitutionnelle du 23 septembre 2008 le gouvernement de Nicolas Sarkozy a introduit le référendum d’initiative partagé qui semblait accorder une certaine importance à la volonté du peuple en le laissant prendre l’initiative du référendum avec le parlement. Or il n’en n’est rien cette réforme n’est qu’illusoire puisqu‘irréalisable. Effectivement pour que le référendum d’initiative partagée puisse aboutir, les citoyens doivent rassembler  la somme inatteignable de 4,5 millions de signatures. Par conséquent il est nécessaire de modifier les conditions de mise en œuvre.

Au de la des mécanismes déjà présent dans la constitution, l’élection du Président de la République ne doit pas être la seule échéance démratique en matière électoral. En effet les élections municipales législatives et européennes ont un rôle capital dans notre démocratie. Les élections municipale permettent d’élire le maire qui sera au contact direct de ses citoyens qui aura une connaissance réelle des problématiques rencontrées par les citoyens qu’il représente. Ces élus locaux auront d’ailleurs un rôle essentiel puisqu’ils élisent également les sénateurs qui sont les représentants directs des collectivités territoriales permettant ainsi de défendre les intérêts locaux dans la prise de décision nationale. Enfin, bien que marqué par une forte abstention et notamment chez les jeunes l’élection européenne est cruciale car elle permet aux élus de défendre les intérêts des Français au niveau européen.

Pour pallier cette crise de la représentation il faut introduire des mécanismes permettant de faire davantage participer le peuple. Pour ce faire nous pourrions prendre exemple sur nos pays voisins dans lesquels le peuple participe davantage aux échéances démocratiques et prend directement part dans le processus d’élaboration de la loi. Tout d’abord l’une des nécessités premières pour responsabiliser le peuple et l’intéresser à la politique est de rendre obligatoire le vote sur le modèle de l’article 62 de la constitution Belge. En effet, les électeurs seraient obliger de voter à toutes les élections sous peines d’être sanctionné par une amende. Certes le contrat social rousseauiste garanti prospérité et sécurité au peuple en échange d’une partie de sa liberté mais il n’est pas question d’avoir un peuple asservi au pouvoir politique ça n’est d’ailleurs pas anodins s’il consacre de principe de volonté générale condition à l’élaboration de la loi. D’ailleurs l’article 6 de la Déclaration de l’homme et du citoyen reprend ce principe de volonté général tiré du Contrat Social de Rousseau. Cet article consacre par conséquent le principe de souveraineté populaire. En effet le peuple serait la seule source légitime qui pourrait établir la loi. Par conséquent il est primordial que le peuple soit un acteur de premier plan au sein du processus législatif.

Il faudrait également s’inspirer du référendum d’initiative citoyenne consacré aux articles 138 et 139 de la constitution suisse. Effet par ce mécanisme démocratique le peuple pourrait faire entendre ses revendications à tous les niveaux. En effet l’article 138 permet aux citoyens suisses d’être à l’initiative des révisions constitutionnelles par le biais du référendum. De plus l’article 140 de la même constitution soumet obligatoirement les révisions constitutionnelles au niveau fédéral au referendum.

En conséquence en plus du référendum d’initiative populaire il serait intéressant d’instaurer le référendum abrogatoire. Le référendum abrogatoire permet au peuple d’abroger une loi en vigueur. Cette forme de référendum est prévue par l’article 75 de la constitution italienne. Cette forme de référendum est intéressante puisqu’elle pourrait permettre au peuple d’abroger des lois désuètes au regard des évolutions de la société.

Enfin les différentes élections ont également un rôle primordial dans la vie démocratique de notre République. Que ce soit au niveau municipal régional et européen ces élections auront des conséquences directes sur la vie des citoyens. Cependant ces élections connaissent chacune une abstention croissante. Par exemple pour les élections régionales le taux d’abstention a atteint le record inquiétant de 65,7%. Il est par conséquent nécessaire de revaloriser ces élections en incitant davantage les citoyens à participer à ces scrutins. En ce sens il faut davantage sensibiliser les citoyens sur l’importance de ces élections et sur les conséquences qu’elles auront sur leur quotidien.

  

2. LES ARGUMENTS DE NATURE

Le 16e président des Etats-Unis Abraham Lincoln apporte la réponse la plus claire quant à la participation du peuple à la vie démocratique. En effet dans son discours à Gettysbourg en novembre 1863 il définit précisément ce que doit être la démocratie. Il l’a défini comme le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple. En clair le peuple est la source de tout pouvoir que ce soit pour faire la loi ou pour choisir ses représentants. Par conséquent pour pallier la crise de la représentation il est nécessaire de redonner le pouvoir au peuple afin de renouer avec ses représentants.

La définition de Raymond Aron s’inscrit dans la lignée de celle d’Abraham Lincoln. En effet, il considère que  la démocratie est un régime politique dans lequel le peuple ( directement ou indirectement, par des représentants élus) exerce la souveraineté. En prenant en compte l’exercice du pouvoir par les représentants du peuple, Raymond Aron accorde une importance de premier plan aux élections en général et pas spécifiquement aux présidentielles.

Philippe Ardant accentue l’importance accordée aux autres élections dans son ouvrage Institutions politiques et droit constitutionnel  en expliquant que la démocratie correspond au régime politique où ni un individu, ni un groupe, ne s’approprie le pouvoir, ses titulaires sont désignés par le peuple, par la voie d’élections périodiques et sont contrôlés par lui.

Georges Burdeau considère que le propre de la démocratie est d’admettre comme fondement du pouvoir politique ces désirs, ces goûts, ou ces volontés qui existent dans le groupe social. Le gouvernement du peuple par le peuple suppose que le peuple est invité         à exprimer ses vues sur la conduite des affaires publiques. Par conséquent Burdeau estime que le peuple devrait avoir un droit de regard sur les affaires publiques et qu’il puisse s’exprimer par la biais de moyens démocratiques.

Georges Burdeau ajoute que l’ on reconnaitra l’authenticité d’une démocratie à la multiplicité des moyens légaux d’expression et à l’organisation de ces moyens d’expression de manière à leur permettre de remplir leur rôle. Ainsi les élections présidentielles au suffrage universel direct ne peuvent être le seul moment démocratique de la Ve République car cela serai contraire à la multiplicité des moyens légaux d’expression permettant au peuple d’exercer sa souveraineté.

Concernant l’exercice de la souveraineté par le peuple Alain Touraine  précise que les institutions sociales, et la liberté individuelle et collective ne peuvent pas exister sans le libre choix des gouvernants par les gouvernés et sans la capacité du plus grand nombre de participer à la création et à la transformation des institutions sociales dans son ouvrage Qu’est-ce que la démocratie ?. En d’autres termes le peuple doit être un acteur de premier plan dans toutes les activités démocratiques que ce soit le débat, l’élaboration de la loi ou encore la consultation du peuple par les représentants.

Philippe Ardant et Bertrand Mathieu expliquent précisément le rôle que doit avoir le peuple dans notre démocratie dans leur ouvrage Institution politique et droit constitutionnel. La démocratie directe est un système idéal, qui répond au mieux à l’aspiration populaire dans lequel les gouvernés sont eux-mêmes gouvernants. Le peuple se gouverne directement lui-même par la participation de tous les citoyens. En corps, il fait la loi, prend les décisions gouvernementales comme la désignation des fonctionnaire, la conclusion des contrats et des traités, c’est aussi lui qui rend la justice. Ce schéma renverse notre système de démocratie participative en faisant du principal pouvoir le peuple seul souverain légitime a exercer le pouvoir.

Enfin le professeur Dominique Rousseau qui a beaucoup écrit sur la notion de démocratie a élaboré la théorie de la démocratie continue qui dit qu’il doit exister des assemblées de citoyens et ces assemblées de citoyens doivent donner leur avis sur tout un tas de question. Les citoyens participent à l’exercice du pouvoir.

En ce sens au regarde de ces théories il est indéniablement nécessaire de faire participer le peuple à l’exercice du pouvoir. Cela n’en revient pas à renverser notre système de démocratie participative mais à rendre au peuple une place significative dans l’exercice du pouvoir. Cela passe principalement le rééquilibrage entre démocratie directe trop peu utilisé et indirecte par le système représentatif. Pour ce faire il faut utiliser deux types de démocratie permettant au peuple d’avoir une importance dans l’élaboration de la loi.

D’une part de la démocratie délibérative et d’autre part de la démocratie participative. La démocratie délibérative a principalement été théorisé par Habermas et John Rawls. Dans ce système la délibération est au cœur de la démocratie. Délibérer consiste à échanger des arguments publiquement entre citoyens. Joshua Cohen considère que  la délibération est le processus par lequel se concrétise la démocratie. En définitive Habermas considère que la norme est légitime dès lors ou elle résulte d’un processus de délibération. Par conséquent il faudrait instaurer des mini publiques au sein des assemblée durant le processus législatif afin qu’ils participent au débat aboutissant sur l’adoption d’un texte de loi.

Carole Pateman a théorie le concept de démocratie participative qui est un système qui implique davantage le peuple au sein du processus législative puisqu’il implique le peuple dans la prise de décision finale. En ce sens on pourrait imaginer la création d’une troisième chambre composée exclusivement prenant par aux décisions ou alors en partageant sièges entre au Sénat entre élus et citoyens. Cela permettrait de soulever les problématiques rencontrées par les citoyens au quotidien et de faire entendre leur revendication directement au sein du processus législatif.

 

3. LES ARGUMENTS D’OPPORTUNITÉ

En définitive, faire participer davantage le peuple aux échéances démocratiques régulièrement et avec transparence permettrai de lutter contre l’abstention,  la défiance et au  désintérêt croissant des citoyens à l’égard du pouvoir politique. En effet, le mouvement des gilets survenu à la suite de la forte augmentation des prix du carburant a permis de prendre conscience de la véritable crise de la véritable crise de la représentativité qui touche notre pays. D’ailleurs l’une des principales revendications des gilets jaunes appuyé par la présidente du mouvement Jacqueline Moureau était l’instauration du référendum d’initiative populaire. En réaction à cette crise a en conséquence instauré une certaine forme de démocratie délibérative avec le Grand débat national. Ce grand débat survenu en 2019 consistait à aller à la rencontre des français pour qu’ils puissent faire par au président de la république de leur problèmes du quotidien.

En plus du référendum décisionnel  qui invite les électeurs à se prononcer par un vote sur l’approbation ou le rejet d’une mesure il serait intéressant d’instaurer également  le référendum consultatif permettant de consulter l’avis du peuple avant l’adoption d’une nouvelle loi. Cela permettrait d’ajuster la loi conformément à la volonté du peuple. Pour rétablir la confiance entre le peuple et ses représentants il serait également intéressant d’utiliser le plébiscite. Ce mécanisme  permet aux représentants de solliciter le peuple pour lui demander de manifester sa confiance.

Enfin deux mécanismes semblent très important pour redonner au peuple sa souveraineté. D’une part le Veto populaire et d’autre part la révocation populaire. Le Veto populaire consiste en l’intervention du peuple avant que la loi ne soit exécutoire. La loi n’étant que voté par le parlement n’est pas encore obligatoire ce qui permet d’empêcher que le texte soit exécutoire. Pour cela on va permettre au peuple de déposer une pétition qui dès lors ou elle aura rassembler une somme suffisante de signature, qui empêchera l’entrer en vigueur de la loi. Enfin il faudrait instaurer la procédure de révocation populaire qui permet aux citoyens d’obtenir le retrait d’un mandat électif conféré à un individu ou à une assemblée avant son terme légal. Ce système de révocation populaire existe déjà dans 8 Etats américains qui appellent cette procédure le « recall », il existe aussi en Suisse avec le système de l’ « aberrunfungsrecht ».

D’un point de vue purement démocratique il est nécessaire de ne pas résumer notre démocratie à la seule élection du président de la république. En effet, il est nécessaire de rappeler que au premier tour seulement une petite partie de la population adhère pleinement au projet d’un candidat. Prenons pour exemple le premier tour des élections présidentielles de 2017. Emmanuel Macron, le candidat arrivant en tête de ce premier tour rassemble 24% des suffrages. Par conséquent les 76 % de la population restant n’adhère pas à son projet politique. En d’autres termes cela signifie que le président Emmanuel Macron convient véritablement à seulement 24% des Français. Il est alors nécessaire de s’appuyer sur d’autres élections pour permettre au peuple d’exprimer sa volonté.

Enfin l’un des outils révolutionnaire permettant de pallier la crise de la représentation est l’utilisation des outils numériques. En effet, le numérique a transformé la vie politique. Les responsables politiques ayant aujourd’hui un poids conséquent utilisent tous les réseaux sociaux pour servir leur campagne et pour renvoyer une bonne image dans le but de se reconnecter avec leurs électeurs. En ce sens les réseaux sociaux sont un moyen de démocratie participative à part entière puisque les citoyens peuvent être sollicité par le biais de sondages, de questions ou en interagissant directement avec ses représentants notamment par le biais d’espaces de discussions comme sur Twitter.

 

CONCLUSION

L’élection du président de la république au suffrage universel direct ne doit pas être le seul moment démocratique. En effet face à la crise de la représentativité que traverse notre démocratie il est impératif de reconnecter le peuple avec ses élites tout en instaurant un climat de confiance. Pour ce faire il faut redonner au peuple le pouvoir de prendre part à la vie politique par des mécanismes de démocratie directe, de démocratie délibérative et participative. Ainsi le peuple sera véritablement souverain et acteur de son destin.

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