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L'assistance médicale à la procréation et la gestation pour autrui

Sur cet article, vous retrouverez un cours de droit complet concernant l'assistance médicale à la procréation et la gestation pour autrui.

La révision de la loi bioéthique de 2021 apparait comme un changement important du droit, puisque la loi admet pour les couples de femmes et les femmes non-mariées d'accéder à l'assistance médicale à la procréation. Cette loi opére donc un revirement de réflexion assumé sur les convictions des premières lois bioéthique de 1994 dans lesquelles il était nécessaire d'avoir un couple formé d'un homme et d'une femme pour concevoir un enfant. Ainsi cette loi supprime le critère médical. Cette loi nous permet alors de faire un point sur cette actualité si clivante. 

Dès lors, il s'agira de commencer par définir les termes des techniques d'assistance à la procréation (I), puis d'en exposer l'actualité par les différents arrêts rendus en la matière à travers la problèmatique du tourisme procréatif (II).

I- Définition et actualité des techniques d'assistance à la procréation 

Les techniques d'aides à la procréation ou les techniques d'assistance à la procréation permettent à des couples, qui ne peuvent pas avoir d'enfant, de devenir parents. Ces techniques, au sens large, comprennent à la fois la procréation médicalement assistée dite PMA et la gestation pour autrui (GPA). 

A. L’assistance médicale à la procréation : la fin du critère médical

La pratique de la PMA était autorisée en France, depuis 1994. Cependant, elle était strictement réglementée. De ce fait, les couples devaient nécessairement : être en âge de procréer, vivant, et être un couple composé uniquement d’un homme et d’une femme. 

Dés le début de la campagne du président d’Emmanuel Macron il se dit favorable à l’étendue de l’AMP aux couples de femmes, mais il tenait à attendre un avis du CCNE sur la question, qui a rendu un avis positif le 15 juin 2017. La question plus que l’ouverture était notamment la question de la filiation, qui était la mère ? Comment était-il possible d’autoriser un double lien familial de même sexe ? En effet, le droit français ne permettait sur l'acte de naissance que d'avoir un père et une mère. 

Depuis la loi bioéthique de 2021, il est possible pour un couple de femmes et les femmes non mariés de réaliser une PMA, en France. L’établissement de la filiation pour les couples de femmes se fait par une reconnaissance conjointe devant notaire. Le double lien de filiation maternel est permis. 

Mais cette admission vient basculer le droit français, on revient sur un principe selon lequel la mère est celle qui accouche (Mater sempre certa est), puisque désormais la mère peut-être d'intention (c'est-à-dire qu'elle se comportera comme la mère, comme un parent de l'enfant mais elle n'est pas liée par l'accouchement avec l'enfant). 

On apperçoit d'ailleurs déjà les conséquences de cette modification du droit de la filiation. En effet la Cour d'appel de Toulouse en 2022 reconnait le droit pour une personne transgenre homme devenu femme qui a conçu son enfant avec son appareil reproducteur homme d'être désigné comme mère dans l'acte de naissance, en se fondant notamment sur la loi bioéthique qui reconnait un double lien de filiation maternelle. 

Force est de constater qu'on assiste à une remodélisation de la famille. 

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B. La gestation pour autrui

La gestation pour autrui (GPA)  désigne ainsi l’action pour une femme de porter un enfant pour le compte d'un couple qui en a assuré le projet parental et la conception et à qui il sera remis après sa naissance. La convention de gestation pour autrui se caractérise par un accord entre la gestatrice :  celle qui porte l’enfant, et le couple :  les parents d’intention. 

Avant les premières lois bioéthique de 1994, des GPA avait lieu en France, et c'est notamment à ce sujet que l'arrêt assemblée plénière le 31 mai 1991 indique que cette pratique est interdite considérant que « la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner ensuite à sa naissance contrevient tant au principe de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes ». Une telle convention est donc frappée de nullité. Cette jurisprudence viendra se confirmer dans les premières lois de bioéthique du 29 juillet 1994, dans lesquelles le législateur a créé l’article 16-7 du Code civil qui énonce que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». 

Cette pratique est interdite par le droit français car elle contrevient aux principes directeurs et protecteurs du corps humain, édicté en 1994. 

  • La disponibilité du corps humain :  L’indisponibilité de la personne, nul ne peut, par sa seule volonté, disposer de son état et des éléments qui le composent : la filiation, le nom, le prénom, le sexe
  • L’extrapatrimonialité du corps humain  : Principe qui interdit d’acheter/de vendre le corps humain et ses éléments.
  • L’inviolabilité du corps humain : on ne peut pas porter atteinte au corps humain. 

Mais la problématique majeure de cette technique est le tourisme procréatif. En effet, pour contourner la loi française, certains couples partent à l’étranger. Lors de leur retour en France, le couple demande la transcription de l’acte de naissance sur les registres de l’état civil français.

La transcription : est une formalité qui consiste à dupliquer un texte, depuis le support papier qui le contient en original, et d'en reporter les termes sur un autre support papier. Ainsi, pour la GPA il s’agit simplement d’une reproduction de l’acte de naissance étranger en droit français, pour notamment produire les effets de l’autorité parentale. 

II. Le tourisme procréatif : la dérive des techniques d'aide à la procréation 

Pourquoi le tourisme procréatif est-il controversé ? Il s'agit en réalité d'un contournement de la loi française de sorte que le gouvernement tente de dissuader les ressortissants français par des sanctions plus ou moins implicite pour éviter qu'ils ne réalisent des pratiques interdites sur leur territoire. 

Il s'agit donc de s'interroger sur la prise en considération du tourisme procréatif en matière de PMA et de GPA en France. 

Sans surprise, nous aborderons la PMA (A) et la GPA (B). La PMA et la GPA ne sont pas traitée similairement par le gouvernement et les institutions éthiques et juridique. 

A. La PMA : la reconnaissance de la famille 

Pour les femmes qui partaient à l’étranger, la femme qui n'accouche pas ne pouvait pas adopter leurs enfants et donc n’avait pas d’autorité parentale sur l’enfant. 

Au départ, elle était antérieurement obligée de passer par une délégation d’autorité parentale. La délégation d’autorité parentale se fonde sur l’article 377 alinéa 1 du Code civil qui dispose que lorsque les circonstances l’exigent, les parents ou l’un des deux peuvent saisir le juge des affaires familiale pour que l’exercice de l’autorité parentale soit délégué à un tiers. Selon l’article 377-1 du Code civil cette mesure permet l’organisation des rapports entre l’enfant et le couple. Chaque parent reste titulaire de l’autorité parentale et en conserve l’exercice. 

Puis la jurisprudence dans deux avis en date du 22 septembre 2014 considèrent que le recours à l’AMP à l’étranger ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant. Cette jurisprudence applique simplement les effets de la loi du 17 mai 2013, le mariage pour tous. 

En parallèle de l'écriture du projet de loi sur la PMA pour toutes, la Cour de cassation, dans différents arrêts du 18 décembre 2019(18-14.751 ; 18-50.007) admet une transcription de l'acte de naissance des enfants nés d'une PMA au Royaume-Unis. La Cour considère que « En présence d’une action aux fins de transcription de l’acte de naissance étranger de l’enfant, qui n’est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l’enfant soit né à l’issue d’une convention de gestation pour autrui ni celle que cet acte désigne le père biologique de l’enfant et un deuxième homme comme père ne constituent des obstacles à la transcription de l’acte sur les registres de l’état civil, lorsque celui-ci est probant au sens de l’article 47 du code civil ».

La cour d'Appel estime que selon l’article 47 du Code civil, la réalité qui doit primer est la réalité biologique et donc la mère est celle qui accouche et sa conjointe doit adopter l’enfant pour être reconnue comme mère. Or, la Cour de cassation retient un raisonnement différent considérant que ce qui prime est la réalité de l’acte dans le pays où la pratique a été réalisée et non la réalité de la France qui retient une réalité biologique. L’acte du Royaume Unis retient les parents d’intention comme parents légaux la transcription de l’acte de naissance est possible. Considérant de ce fait qu’il n’est plus obligé de passer par l’adoption pour l’épouse de la mère, il est désormais possible de transcrire l’acte d’état civil de l’enfant. L’arrêt Cour de cassation, 18 mars 2020, l’arrêt permet la transcription de l’état civil de l’enfant né de la pratique AMP au Royaume-Unis. Cet acte de naissance considère que les deux femmes, qui ont formé le projet parental sont les parents de l’enfant, confirmation de l’arrêt du 18 décembre 2019 avec le même raisonnement sur la réalité de l’acte de naissance s’il est régulier dans le pays où il a été rédigé alors l’acte doit être transcrit sur les état civils français en raison de l’article 47 du Code civil. 

Et après le vote de la loi de 2021 ? Le droit permet la reconnaissance de la transcription, de par la jurisprudence précédente. Et la loi indique qu’il est possible pour les couples de femmes ayant réalisés une PMA à l’étranger de faire une reconnaissance conjointe. 

B. La GPA : la pression européen pour une reconnaissance des effets de la technique

La jurisprudence en matière de transcription sur la GPA est très dense. 

Une remarque préalable s'impose : la transcription n'est pas obligatoire. Il ne s'agit pas d'établir la filiation il s'agit de reconnaissance l'acte de naissance étranger sur les registres français. 

  • 1ère étape : l’acception de la transcription de la présomption de paternité (le père biologique, celui ayant donné son sperme)

Dans un arrêt du 17 décembre 2008, la Cour de cassation a refusé l’établissement de la filiation des enfants à l’égard de la mère d’intention : « En l’état du droit français, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet au regard de la filiation à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui fût-elle licite à l’étranger est nulle, d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 19-9 du Code civil ».

  • 2ème étape : le maintien du refus de transcription du parent d’intention

La Cour de cassation confirme sa position dans 3 arrêts du 6 avril 2011, affirmant que « reconnaître des effets à ces conventions portant gestation pour autrui serait contraire à l’ordre public et ainsi refus la transcription du parent d’intention". 

Dans un arrêt rendu le 13 septembre 2013, non seulement la Cour de cassation maintient sa position, mais elle va encore plus loin puisqu’elle refuse l’établissement de la filiation à l’égard même du père biologique au nom de la fraude à la loi.

Toutefois, dans l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Mennesson contre France du 26 juin 2014, la France est condamnée. Dans cette affaire, les époux Mennesson ont saisi la CEDH en arguant que la France violait le droit au respect de la vie privée (article 8) des enfants et des parents. Dans l’arrêt du 26 juin 2014, la CEDH a estimé qu’en raison du refus de la transcription, le droit au respect de la vie privée des enfants « qui implique que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris sa filiation, se trouve significativement affecté ». La CEDH condamne donc la France du refus de transcrire la reconnaissance paternelle qui repose sur une réalité biologique.

Dans deux arrêts rendus le 5 juillet 2017 en assemblée plénière, la Cour de cassation a fait évoluer sa position et a appliqué la jurisprudence de la CEDH. La Cour de cassation a alors accepté, sur le fondement de l’article 47 du Code civil, la transcription du père biologique à l’état civil français d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision étrangère, au motif que « l’acte de naissance n’était ni irrégulier, ni falsifié et que les faits déclarés correspondaient à la réalité ». La transcription a été admise parce que l’acte de naissance de l’enfant dressé à l’étranger correspondait bien à la vérité biologique dans la mesure où celui qui y était indiqué comme « père » était effectivement le géniteur de l’enfant.

  • 3ème étape : l’adoption par le conjoint du père biologique de l’enfant né par GPA

Qu’en est-il de la mère d’intention (ou du père d’intention) ? En droit français, la mère c’est celle qui accouche. Ainsi, la mère d’intention ne peut pas être considérée comme mère dès lors qu’elle n’a pas accouché. 

Dans un arrêt du 5 juillet 2017, la Cour de cassation a décidé que l’acte de naissance, en cas de gestation pour autrui légalement conclue à l’étranger, peut être transcrit sur les registres de l’état civil français en ce qu’il désigne le père biologique, mais pas en ce qu’il désigne le parent d’intention. La Cour de cassation confirme sa jurisprudence dans l’arrêt du 29 novembre 2017. En effet, l’article 47 du Code civil permet de transcrire à l’état civil français les actes étrangers dont les énonciations sont conformes à la réalité. Il n’est donc pas possible de transcrire un acte indiquant qu’une femme est mère, si ce n’est pas elle qui a accouché. En revanche, la désignation du père peut être transcrite, si l’acte étranger n’est pas falsifié et si la réalité biologique de la paternité n’est pas contestée. Selon la Cour de cassation, la transcription partielle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant, dès lors que les autorités françaises n’empêchent pas ce dernier de vivre en famille et qu’il existe une possibilité d’adoption par l’épouse ou l’époux du père. 

Cet arrêt revient donc que l’arrêt de principe du 31 mai 1991, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, refuse catégoriquement l’adoption lorsqu’elle n’est « que l’ultime phase d’un processus d’ensemble destiné à permettre à un couple l’accueil à son foyer d’un enfant, conçu en exécution d’un contrat tendant à l’abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes, ce processus constituait un détournement de l’institution de l’adoption internationale ».

Toutefois, dans les affaires qui ont suivies, un père biologique d’un enfant né pas GPA s’est marié à un homme. La question qui se pose à la Cour de cassation est celle de savoir si l’époux ou l’épouse du père biologique d’un enfant né par GPA peut-il adopter l’enfant ? La Cour de cassation répond par la positive dans 4 arrêts du 5 juillet 2017. La Cour de cassation admet, en cas de GPA à l’étranger, que l’époux ou l’épouse du père biologique puisse demander l’adoption de l’enfant de son conjoint : "en cas de gestation pour autrui réalisée à l’étranger, l’acte de naissance peut être transcrit sur les registres de l’état civil français en ce qu’il désigne le père, mais pas en ce qu’il désigne la mère d’intention, qui n’a pas accouché". Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas obstacle, à elle seule, à l’adoption de l’enfant par l’époux de son père. Le conjoint du père biologique de l’enfant né par GPA peut donc adopter l’enfant. C’est un véritable revirement de jurisprudence de son arrêt de principe de 1991.Cependant, si ces 4 arrêts du 5 juillet 2017 permettent l’adoption par l’époux ou l’épouse du père biologique d’adopter l’enfant né par GPA à l’étranger, c’est parce que les juges doivent vérifier que les conditions légales de l’adoption sont réunies et que l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant. Ce n’est donc pas un droit d’adoption automatique, le juge doit en vérifier les conditions.

Ainsi, dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 30 janvier 2018, l’adoption plénière par le conjoint du père biologique de l’enfant né par GPA à l’étranger a été refusée car « rien ne permettait en l’espèce d’appréhender les modalités selon lesquelles la mère ayant accouché aurait renoncé à l’établissement de la filiation maternelle, et ce de manière définitive, ni dans quelles conditions et dans quelle intention l’enfant a été remis au père ». En effet, l’article 345- 1 du Code civil prévoit que l’adoption plénière de l’enfant du conjoint n’est possible que lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint, or dans l’espèce rien ne permettait de dire que l’enfant n’avait plus de lien avec la mère ayant accouché.

Dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 février 2018, la Cour d’appel a autorisé une adoption simple. En cas d’adoption simple, il faut le consentement des parents d’origine donc en cas de GPA il faut le consentement de la mère porteuse. En l’espèce, la Cour d’appel a estimé que le consentement de la mère porteuse était établi et donc il pouvait y avoir adoption simple de l’enfant par le conjoint du père biologique. Ce n’est donc plus la technique de la GPA elle-même qui permet d’interdire au parent d’intention d’adopter l’enfant de son conjoint, ce sont les conditions de l’adoption. Le problème de la transcription de la filiation s’est déplacé sur le terrain de l’adoption. Les juges doivent analyser les conditions légales selon le type d’adoption (adoption simple ou adoption plénière).

Force est de constater que l’interdiction absolue de la GPA consacrée par l’arrêt du 31 mai 1991 s’est considérablement affaiblie. Les principes d’indisponibilité du corps humain et de non-patrimonialité sont contournés par le droit de la filiation biologique (reconnaissance de la filiation du père biologique) et adoptive (adoption de l’enfant par le conjoint du père biologique).

  • 4ème étape : avis de la CEDH du 10 avril 2019

Le 4 avril 2019, la CEDH a rendu son avis consultatif qui lui avait été demandé par la Cour de cassation dans le cadre de l’affaire Mennesson. La Cour répond en deux temps. D'une part, elle considère que le droit au respect de la vie privée de l'enfant impose qu'une possibilité d'établir sa filiation à l'égard de sa mère d'intention soit offerte. D'autre part, la Cour n'impose pas que la reconnaissance de la filiation prenne la forme d'une transcription. Elle admet qu'elle puisse se faire par une autre voie, telle que l'adoption de l'enfant, à la condition que les modalités prévues par le droit interne garantissent l'effectivité et la célérité de sa mise en œuvre, conformément à l'intérêt supérieur de l'enfant. Ainsi, la CEDH n'exige pas une reconnaissance automatique de la maternité d'intention, mais une possibilité d'appréciation par rapport la situation familiale. La CEDH n’exige donc pas que la France effectue la transcription de la filiation de la mère d’intention. La Cour de cassation peut très bien refuser l'établissement du lien de filiation au terme d'un examen in concreto de la situation qui lui est soumise. C’est donc du cas par cas..En outre, la CEDH estime que l’adoption peut constituer l’une des modalités de la reconnaissance du lien de filiation. La Cour de cassation admettant déjà la possibilité de l'adoption de l'enfant issu de la GPA par le conjoint (ou la conjointe) du père biologique, la jurisprudence française apparaît en conformité avec les indications européennes.

  • 5ème étape : arrêt de la Cour de cassation, Assemblée plénière, 4 octobre 2019 

L'Assemblée plénière de la Cour de cassation avait sursis à statuer dans l'attente de l'avis qu'elle demandait à la CEDH. Elle rend son arrêt le 4 octobre 2019 mettant fin à l’affaire Mennesson. S'agissant de la filiation paternelle, la transcription est admise sans difficulté. En ce qui concerne la maternité, la Cour de cassation cherche comment admettre la filiation entre les enfants et leur mère d'intention conformément à leur intérêt et en tenant compte des circonstances de l'espèce. La Cour de cassation applique la démarche préconisée par la CEDH dans son avis. Elle souligne qu'« il convient de privilégier tout mode d'établissement de la filiation permettant au juge de contrôler notamment la validité de l'acte ou du jugement d'état civil étranger au regard de la loi du lieu de son établissement, et d'examiner les circonstances particulières dans lesquelles se trouve l'enfant ». Elle écarte la voie de l'adoption en raison de la nécessité d'une nouvelle procédure à l'initiative de la mère d'intention ; ce qui, compte tenu « du temps écoulé depuis la concrétisation du lien entre les enfants et la mère d'intention » serait contraire au droit au respect de la vie privée des enfants. Elle rejette également l'établissement par possession d'état en estimant qu'il ne présenterait pas « les garanties de sécurité juridique suffisantes ». Finalement, la Cour estime que, s'agissant d'un contentieux datant de plus quinze ans, et en l'absence d'autre voie satisfaisante, il y a lieu de mettre fin à l'atteinte au droit au respect de la vie privée des enfants par la transcription sur les registres de l'état civil français de leurs actes de naissance établis à l'étranger. La Cour de cassation finit par reconnaître le lien de filiation maternelle de la mère d’intention. En effet, il semble que cette solution ait ici été retenue en raison des circonstances particulières de l'espèce : la procédure est tellement longue que les « enfants » sont devenus majeurs...La Cour de cassation semble « capituler » face à cette affaire qui dure depuis des années. L'adoption par le conjoint du père biologique reste pour l’instant la voie que la Cour de cassation privilégie pour établir une filiation entre l'enfant et sa mère d'intention et répondre aux exigences de la CEDH.

On peut noter que dans la nuit du 3 au 4 octobre 2019, les députés ont voté un amendement pour la reconnaissance de la filiation d’enfants conçus par GPA à l’étranger. Cet amendement fera l’objet d’une seconde délibération où il sera rejeté.

  • 6ème étape : vers une reconnaissance pleine des effets de la gestation pour autrui

Ainsi, arrêt du 18 décembre 2019 considère véritablement qu’une transcription de l’acte de naissance est totalement légale et considère le couple d’intention comme le couple légal, il n’y a plus aucun obstacle juridique à la transcription car l’acte est régulier en se fondant sur l’article 47 du Code civil, car il correspond à la législation du pays où a été réalisé la pratique. 

Le mardi 4 février 2020, le Sénat a adopté avec modification le projet de loi relatif à la bioéthique par 153 voix contre 143, ce qui a notamment permis au gouvernement de déposer un amendement le 20 janvier 2020 visant à modifier l’article 47 du Code civil, cet amendement prévoit de limiter la transcription au seul père biologique, le second parent se verra dans l’obligation de passer par l’adoption de l’enfant. Cet amendement vient répondre aux arrêts du 18 décembre 2019[1] dans lesquels la Cour de cassation a autorisé la retranscription intégrale de l’état civil. L’amendement inscrit à l’article 4 bis a été modifié lors du second vote de l’Assemblée nationale, mais il garde l’essence de l’amendement originel considérant que l’acte de naissance de ces enfants doit refléter la réalité de la loi française. Le Gouvernement restreint la portée des arrêts de la Cour de cassation qui n’était pas dans le bon droit, puisque les juges ne peuvent pas faire le droit.Dans l’arrêt de la CEDH 16 juill. 2020, D. c/ France, no 11288/18en l’espèce, la Cour affirme donc que le rejet de la demande de transcription de l’acte de naissance de l’enfant ne constitue pas une ingérence disproportionnée dans son droit au respect de sa vie privée du seul fait que sa mère d’intention est également sa mère génétique, dès lors que le lien de filiation entre la mère d’intention et l’enfant peut être établi par une autre voie.  (ex : adoption). 

  • 7ème étape : la reprise en main du gouvernement 

Dès la première lecture du Senat, à la demande du gouvernement, a été ajoutée une modification de l’article 47 du Code civil. 

Lors de la seconde lecture de l’Assemblée nationale, pour indiquer simplement que l’article 47 du Code civil serait complété par « Celle-ci est appréciée au regard de la loi Française ». Ce qui signifie, autrement dit, que la lecture de la loi se fait au regard de la jurisprudence constante en ce sens c’est-à-dire en effet que l’acte de naissance de l’enfant né de cette pratique doit mentionner la mère porteuse comme la mère et le père, celui qui a donc un lien biologique avec l’enfant, il s’agit donc ici un résumé de l’article, prévoyant ainsi le rejet des jurisprudences constantes qui indique une retranscription totale des actes de naissance, mais sans le mentionner expressément.

Ce projet a été voté dans la loi bioéthique autrement dit, il n’est plus possible pour les parents d’intention d’établir un lien de filiation DIRECT avec l’enfant, le parent qui n’est pas lié génétiquement avec l’enfant ou qui n’a pas accouché devra demander une adoption de l’enfant. 

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Pour aller plus loin : La Cour de cassation confirme l’adoption plénière de l’enfant du conjoint est possible lorsque cet enfant est issu d’une GPA (Civ. 1re, 4 nov. 2020, FS-P+B+I, n° 19-15.739 ; Civ. 1re, 4 nov. 2020, FS-P+B+I, n° 19-50.042), même si l’acte de naissance étranger ne contient aucune information relative à la mère biologique, dès lors que les règles du droit étranger ont été respectées. Ce qui représente une évolution vers la filiation d’intention puisque jusqu’ici l’acte de naissance transcrit devait indiquer la mère comme celle qui accouche. Or désormais ce n’est plus le cas. Ce qui signifie aussi qu’en matière d’AMP il est désormais possible de connaitre l’identité de la mère porteuse, mais qu’en matière de GPA, désormais il n’est pas important de connaitre l’identité de cette dernière voire il est possible de la nier de l'acte de naissance de l'enfant. 

Pourquoi ne pas interdire purement et simplement la pratique ? La pratique n'est pas interdite à l'international est d'ailleurs autorisé au USA, au Royaume-Unis, en Ukraine, etc. Il n'est pas possible pour le sol français d'interdire la réalisation d'une pratique à l'étranger, en raison de la liberté d'aller et venir.

Seule une interdiction internationale pourrait permettre d'évincer le tourisme procréatif. A l'heure actuelle, aucun accord n'est trouvé à ce sujet. Cependant, en novembre 2023, une résolution européenne revendique une filiation européenne, c'est-à-dire que la filiation établie dans un état européenne doit être reconnu dans tout l'UE. Cette resolution, en cas d'adoption, reviendrait à admettre la gestation pour autrui car il n'y aurait plus de sanction civile pour les parents qui désirent partir réaliser une gestation pour autrui dans un pays européen. 

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Quoi lire en rapport avec ce thème ? 

AGACINSKI Sylviane, L’homme désincarné du corps charnel au corps fabriqué, Paris, Tracts Gallimard, 2019, 48p.

AGACINSKI Sylvaine, Corps en miette, Paris, Flammarion, 2009, 128p

FABRE MAGNAN Muriel, L’institutions de la liberté, Paris, Puf, 2018, 352p.

FABRE MAGNAN Muriel, Gestation pour autrui, entre fiction et réalité, Paris, Fayard, 2013, 128p

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Sarah
Bientôt diplômé de mon doctorat de droit, ma thèse porte sur la gestation pour autrui et l'assistance médicale à la procréation.Contacter
Cours particuliers - Droit et Droit Civil
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